Une coalition d'ONG réunissant ClientEarth, Surfrider Foundation et Zero Waste France assigne, ce lundi, le groupe Danone pour sa « mauvaise gestion du plastique ». Ce recours, déposé devant le tribunal judiciaire de Paris, se fonde sur le devoir de vigilance. Les trois ONG attendent de la justice qu'elle condamne le géant français de l'agroalimentaire à publier un nouveau plan de vigilance intégrant une stratégie de réduction du plastique.
Il s'agit là d'une première : jusqu'à présent, le devoir de vigilance a été invoqué dans des recours liés au climat (contre TotalEnergies), à la protection des peuples autochtones (contre Casino, à propos des pratiques de certains de ses fournisseurs brésiliens) ou encore à la pollution de l'eau (contre Suez, au sujet de la contamination d'un réseau d'eau potable par une filiale chilienne). Mais jamais concernant le plastique.
Pourtant, au même titre que les émissions de CO2, le plastique génère un problème grave (la pollution plastique est présente partout, jusque dans notre sang, selon une étude publiée en mars dernier), mais réversible (l'abandon du plastique stopperait l'aggravation de cette pollution). Cette assignation, qui intervient dans un contexte de négociation d'un traité international sur le plastique, vise à ce que Danone adopte une « trajectoire de déplastification », au même titre qu'elle dispose d'une trajectoire de décarbonation (l'entreprise vise la neutralité carbone en 2050).
Neuf mises en demeure en septembre
En septembre, les trois ONG avaient mis en demeure neuf groupes agroalimentaires et de distribution d'adopter un plan de réduction des plastiques couvrant l'ensemble de leurs activités dans un délai de trois mois. Elles estimaient que les politiques liées au plastique d'Auchan, Carrefour, Casino, Danone, Lactalis, Les Mousquetaires, McDonald's France, Nestlé France et Picard Surgelés sont sources de dommages environnementaux et de violations des droits de l'homme. Or, la loi de mars 2017 relative au devoir de vigilance impose aux sociétés mères et aux entreprises donneuses d'ordres d'adopter des plans de réduction de ces dommages.
Le plastique absent du plan de vigilance
Aujourd'hui, le mot plastique est totalement absent du plan de vigilance de l'entreprise, alors même qu'elle figure parmi les principaux responsables de la pollution plastique identifiés par le rapport Break free from plastic. L'entreprise estime mettre sur le marché quelque 750 000 tonnes de plastique chaque année. Pourtant, critique la coalition, elle se contente d'évoquer le sujet dans des documents internes et uniquement par le biais du recyclage des emballages. Pire, note la coalition, la part du réemploi a reculé de 4,8 à 4,1 %, selon les documents du groupe.
Concrètement, les ONG attendent de Danone et des autres groupes interpelés qu'ils adoptent une « trajectoire de déplastification ». C'est-à-dire qu'ils « placent la réduction nette de l'utilisation de plastique, quelle que soit sa forme, comme objectif prioritaire et [concentrent] leurs efforts sur des [solutions] alternatives, comme le vrac ou la consigne ». Cette trajectoire doit être globale et ne pas se limiter aux emballages. Elle doit donc, par exemple, aborder la réduction des géotextiles agricoles (le paillage des cultures offrant une alternative) ou les plastiques utilisés pour le stockage des produits.
Faute de réponse satisfaisante, la coalition demande au juge de condamner Danone à revoir son plan de vigilance sous six mois, avec astreinte financière de 100 000 euros par jour de retard.
Une atteinte aux droits de l'homme
La coalition demande aussi que cesse le préjudice. Celui-ci est d'abord lié à la pollution plastique. Ce volet est le plus connu. Sébastien Mabille, l'avocat qui porte le recours de la coalition, rappelle notamment que Marcos Orellana, le rapporteur spécial des Nations unies sur les produits et déchets dangereux, a clairement expliqué, en septembre 2021, que le recyclage des plastiques est un exemple manifeste de désinformation en matière de lutte contre les produits toxiques. Il explique en particulier que moins de 10 % des plastiques sont réellement recyclés et que le recyclage concentre une myriade de substances toxiques ajoutées aux plastiques.
Le préjudice est aussi lié aux droits humains, ajoute l'avocat du cabinet Seattle Avocats, qui avance plusieurs arguments. Tout d'abord, le Conseil d'État a jugé que le droit de chacun de vivre dans un environnement équilibré et respectueux de la santé constitue une liberté fondamentale. Ensuite, la stratégie de Danone, basée exclusivement sur le recyclage, s'appuie sur un secteur informel dans de nombreux pays (à l'échelle planétaire, 58 % de la collecte des plastiques recyclés est réalisée par des chiffonniers). Faire la promotion du recyclage revient à s'appuyer sur le travail de personnes très précaires et d'enfants. Sans compter que dans de nombreux pays, les capacités de recyclage des plastiques sont inexistantes ou particulièrement polluantes.